
La plus grande joueuse française depuis la retraite de Marion Bartoli en 2013 a donné ses derniers coups de raquette à Roland-Garros. Caroline Garcia a été battue dès son entrée en lice porte d'Auteuil, lundi 26 mai, par l'Américaine Bernarda Pera (6-4, 6-4).
Très émue avant et après la rencontre, dans laquelle elle n'a jamais vraiment pesé, la Française de 31 ans s'arrêtera à 33 matchs disputés sur la terre battue parisienne. Bientôt à la retraite, elle ne sera plus l'arbre qui cache la forêt d'un tennis féminin tricolore en perte de vitesse. Tombée au 144e rang mondial, elle demeure encore la 7e joueuse française, pas si loin de la n°1, Varvara Gracheva, qui pointe au 72e rang à la WTA...
"C'était elle la leader, résume Arnaud Clément, consultant pour info: sport. Elle a tiré toute une génération derrière elle. C'est dur, aujourd'hui, d'imaginer qui prendra la suite". Les plus belles lignes du palmarès des dix dernières années ont été écrites avec elle : les deux sacres en double à Roland-Garros avec Kristina Mladenovic (2016, 2022), celui en Fed Cup 2019 ou encore la consécration au Masters 2022. En plus de ses 11 titres WTA, elle est aussi la seule joueuse française à avoir atteint les demi-finales d'un tournoi du Grand Chelem sur cette même période, à l'US Open 2022."Presque" fière
L'annonce de sa prochaine retraite a pris tout le monde de court vendredi dernier. Au point qu'aucun des joueurs français és devant les journalistes lors du traditionnel Media Day, le même jour, n'avait échappé à sa question sur Caroline Garcia. "Elle a été un exemple pour moi. C'est une immense championne avec une carrière incroyable. Elle a marqué l'histoire du tennis français", lui a rendu hommage Chloé Paquet, d'un an sa cadette. Même son de cloche chez Elsa Jacquemot (22 ans), Lyonnaise comme elle mais issue de la génération suivante : "Je suis irative de son parcours. Elle m'inspire. J'aurais kiffé qu'elle continue un peu plus longtemps. Je me souviendrai toujours de ses retours derrière le carré de service, à prendre la balle tôt pour mettre la pression sur l'adversaire".
Si ses pairs sont unanimes, ne comptez pas sur elle pour valoriser sa carrière. "Je n'ai pas accompli ce que j'étais censée accomplir, c'est-à-dire gagner un Grand Chelem, alors que j'avais le potentiel pour le faire", a confié l'intéressée dans un long entretien pour L'Equipe [article payant], elle qui justifie sa retraite par un épuisement psychologique.
Depuis sa fin de saison 2022 exceptionnelle, qui lui avait permis de se hisser à la 4e place mondiale, la Lyonnaise a enchaîné les blessures et les remises en question, dégringolant hors du Top 100 après douze années à y figurer."Je suis complètement en paix avec ma décision. C'est mûrement réfléchi, a appuyé l'intéressée à info: sport. J'ai mis du temps à me rendre compte que les extrêmes émotionnels que je vivais étaient anormaux. L'un des regrets que je peux avoir, c'est de ne pas avoir plus profité des moments forts et des titres. Ça ne dépendait pas que de moi. Il y avait aussi l'entourage qui voulait que ce soit toujours plus et toujours plus vite. J'ai eu du mal à remettre le tennis à sa place". La Française se dit "presque" fière de sa carrière et ne pense pas franchement mériter son hommage à Roland-Garros."L'attente née de ses très gros résultats a peut-être fait souffrir cette régularité. Elle a eu des pics extraordinaires. Elle aurait pu, sans doute, aller chercher d'autres titres. Mais cela ne veut pas dire qu'elle a raté sa carrière ou qu'elle aurait dû gagner un Grand Chelem."
Arnaud Clément, consultant tennisà info: sport
Vie de famille et temps pour soi
"C'est très difficile de porter un jugement sur sa carrière quand on joue encore. Parfois, il faut des mois, des années", nuance Arnaud Clément. "Le travail est en cours", tente-t-elle de se convaincre. Un premier pas a en tout cas été fait dans le lâcher prise puisque la Lyonnaise n'était jamais apparue aussi sereine et relâchée face caméra à Roland-Garros. Si elle ne tapera bientôt plus la balle jaune, elle ne compte pas partir sans jamais se retourner.
"Quand mon compagnon me disait que j'étais une championne, je lui disais que je ne voulais pas qu'il m'appelle comme ça. Je n'étais pas prête à l'entendre parce que les rêves que j'avais, je n'ai pas l'impression de les avoir réalisés."
Caroline Garciaà info: sport
Elle compte pour le moment continuer à animer son podcast "Tennis Insider Club", sa façon de "redonner à [son] sport". A 31 ans, elle envisage aussi de fonder une famille avec son compagnon Borja Duran. Avant d'envisager une reconversion dans un rôle d'encadrement ? "L'expérience qu'elle a eue peut être très bénéfique pour les jeunes. On espère qu'elle ne s'éloignera pas trop du tennis", souffle Léolia Jeanjean, son ex-partenaire de double chez les juniors. L'intéressée n'a pas encore donné de piste. Mais, après des années de montagnes russes et de voyages à travers le globe, Caroline Garcia va pouvoir se recentrer sur elle-même. Au grand dam du tennis féminin tricolore, qui vient de perdre sa seule locomotive.